La start-up tricolore boucle un financement de 60 millions d’euros avec le fonds qui a soutenu Vestiaire Collective. Le panier moyen des achats a augmenté durant le Covid pour atteindre 2.200 euros, participant ainsi à une perception plus haut de gamme de son service.
Article par Les Echos, Publié le 19 Novembre 2021
Les derniers doutes ont été balayés par la crise du Covid. Le marché de l’art a basculé en ligne de manière significative et l’un de ses trublions, Singulart , se finance à nouveau à hauteur de 60 millions d’euros pour se faire une place à long terme. Une opération encore perçue avec condescendance par le milieu de l’art contemporain parisien, mais qui démontre pourtant la capacité de cette start-up française – qui organise une place de marché où se rencontrent des artistes en devenir et des acheteurs – à avoir anticipé un mouvement de masse.
Au premier trimestre 2021, la vente d’art sur internet a atteint 6,8 milliards de dollars dans le monde, soit une hausse de 72 %, selon le rapport Hiscox. « Il y a eu un véritable changement de discours vis-à-vis de la vente en ligne, note Véra Kempf, cofondatrice de Singulart. Il y a cinq ans, lorsque nous nous sommes lancés, nous étions très mal considérés, mais désormais tous les grands groupes s’y mettent. » Les acheteurs estiment aujourd’hui dans leur majorité (56 %) que la bascule numérique subsistera au Covid.
Un long chemin vers les Etats-Unis
C’est ce pari que tiennent les investisseurs de la jeune pousse, avec à leur tête Vitruvian Partners, le fonds qui avaient notamment soutenu les deux licornes tricolores Vestiaire Collective et DentalMonitoring . Avec les financiers historiques , ils veulent donner les moyens à leur poulain d’attaquer le marché américain, explique l’entrepreneuse : « Aller aux Etats-Unis est notre principal objectif. C’est une démarche qui va prendre du temps et qui nécessite des investissements, mais c’est le meilleur moment pour le faire. »
Mais cette traversée de l’Atlantique n’est pas le seul but de cette levée qui comporte une petite part de dette bancaire. Singulart profite des vents porteurs pour renforcer son positionnement. Les 10.000 artistes vendant sur sa plateforme avaient suscité des critiques prétextant que la sélection n’était pas assez rude.
« Nous avons renforcé la curation de nos artistes sans élargir la base, détaille Véra Kempf. Cela améliore le taux de conversion et participe à notre premiumisation. » Dans les faits, le panier moyen aurait bondi de 1.500 à 2.200 euros lors des douze derniers mois. Si l’on est encore loin des 24.291 dollars atteints en moyenne lors d’une vente aux enchères en ligne, selon Hiscox , la tendance suit la trajectoire désirée par les fondateurs.
Renforcer la technologie
Pour accentuer ce mouvement, Singulart a aussi créé Balthasart, une boutique en ligne davantage tournée vers le marché de masse, pour des artistes qui ne tirent pas 100 % de leurs revenus de cette activité. Encore en phase de déploiement, elle compte 200 artistes et attaque le segment du « wallart » dont les achats s’effectuent en dessous des 500 euros.
Pour se démarquer et rendre son modèle viable à long terme, Singulart veut aussi doper sa technologie qui consiste à analyse des masses de données pour effectuer les bonnes recommandations aux clients de sa place de marché. Avec seulement trois personnes aujourd’hui, elle veut en recruter quinze dans les prochains mois . « C’est l’un de nos plus gros enjeux en termes de ressources, précise la dirigeante. Il y a beaucoup de compétition entre les start-up pour attirer les meilleurs talents, d’autant plus que nous sommes à cheval entre deux secteurs, la tech et l’art. » Le challenge s’avère crucial pour l’avenir de la jeune pousse dont l’ambition passe notamment par l’acquisition de l’oeuvre de l’un de ses artistes par un musée dans les dix-huit prochains mois.
À NOTER
38 % des plateformes de vente en ligne dans l’art prévoient d’accepter les paiements en cryptomonnaies dans les douze prochains mois, selon l’étude Hiscox. C’est déjà le cas pour Singulart depuis 2018, bien que cela ne soit pas très utilisé sur sa plateforme.