Après l’Europe, la scale-up de lutte contre les menaces cyber s’attaque aux marchés américain et asiatique avec une levée de 44 millions d’euros. Ses fondateurs, issus de la Sécurité extérieure, restent en contrôle.
Article Les Echos, Par Anne Drif, Publié le 12 oct. 2022 à 9:00Mis à jour le 13 oct. 2022 à 9:45
Rien n’arrête Tehtris, l’expert en lutte contre les cybermenaces fondé par des anciens de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). La start-up a décroché l’une des plus grosses levées de fonds de l’année dans la cybersécurité en France, à 44 millions d’euros. Ce financement intervient seulement deux ans après un tour de table de 20 millions d’euros.
Une nouvelle fois, Tehtris s’est passé des fonds de capital-risque anglo-saxons : la start-up conserve son ADN tricolore avec l’arrivée de Jolt Capital, principal investisseur de cette levée aux côtés des soutiens historiques : Tikehau Ace Capital, CNP Assurances, Nouvelle-Aquitaine Co-Investissement et des business angels. Les fondateurs, Eléna Poincet, passée par le service Action du service de renseignement extérieur, et Laurent Oudot, ancien de la direction technique, restent en contrôle.
Solution souveraine
L’objectif de Tehtris est d’accélérer son emprise sur les marchés à l’international face à des compétiteurs américains et israélo-américain très offensifs, comme CyberHorizon ou SentinelOne, avec le recrutement de 300 personnes d’ici à deux ou trois ans. Après l’Europe, la pépite cyber vise le Canada et le Japon dès le mois de décembre.
« Notre feuille de route est d’apporter une autonomie aux entreprises et aux administrations européennes dans leur lutte contre les piratages, l’espionnage et les vols de données. Nous nous déployons à l’échelle internationale en alternative aux solutions anglo-saxonnes ou affiliées. Notre solution agit en tiers de confiance », déclare Eléna
« Tehtris est le seul acteur au potentiel mondial capable de rivaliser avec des acteurs non européens et de contribuer à offrir une solution souveraine », affirme Guillaume Girard, associé gérant chez Jolt Capital.
La trajectoire s’inscrit dans celle du ministre délégué au Numérique, Jean-Noël Barrot, qui veut multiplier par trois d’ici à 2025 le chiffre d’affaires du secteur de la cybersécurité, faire émerger trois licornes et créer 37.000 emplois. A fin juin 2022, selon une étude de Wavestone Bpifrance, les montants levés par les start-up et les scale-up de la cybersécurité, soit quelque 180 en France, ont été multipliés par plus de six en un an, à 630 millions d’euros.
Un secteur sous-financé en France
Historiquement sous-financé, le secteur devient plus mature. Mailinblack, un éditeur de logiciel qui protège les boîtes e-mail, a annoncé mi-septembre avoir levé 50 millions d’euros, et Zama, environ 40 millions d’euros. « Le principal enjeu pour ces start-up est l’étape d’après. A plus de 100 millions d’euros, même les start-up israéliennes sont contraintes d’aller chercher des fonds aux Etats-Unis », indique Gérôme Billois, associé chez Wavestone.
Si elles ne se font pas racheter avant, comme Alsid et Sqreen, par des groupes américains. « On attend la levée de fonds qui franchira la barre en Europe », poursuit-il. La réaction d’Eléna Poincet est sans détour : « Notre objectif est de créer un leader mondial, pas la course aux financements. Notre tour de table restera européen. »
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