Actions en réparation du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle : la Cour de cassation confirme un courant jurisprudentiel initié par les juges du fond.
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Actions en réparation du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle : la Cour de cassation confirme un courant jurisprudentiel initié par les juges du fond en précisant que le délai de prescription quinquennal ne saurait courir tant que la victime n’a pas connaissance des faits « de nature à manifester l’existence d’un comportement fautif »
La Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu, le 30 août 2023 (pourvoi n°22-14.94), un arrêt très attendu sur la question du point de départ du délai de prescription de l’action indemnitaire consécutive à des pratiques anticoncurrentielles (abus de position dominante – dénigrement de médicaments) sanctionnées par l’Autorité de la concurrence.
La Haute juridiction a rejeté le pourvoi formé par les sociétés Sanofi contre l’arrêt rendu le 9 février 2022 par la Cour d’appel de Paris (RG n°19/19969), qui avait jugé que seule la lecture de la décision de sanction de l’Autorité de la concurrence avait pu révéler au demandeur – la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) – « l’existence d’un dommage réparable », « rattachable à une faute commise par les sociétés Sanofi », lui permettant « d’agir utilement devant une juridiction commerciale ».
La Cour de cassation confirme : la Cour d’appel, dont les constatations et appréciations sont souveraines, a exactement décidé que « seule la décision de l’Autorité avait donné connaissance à la CNAM des faits et de leur portée lui permettant d’agir en réparation de son préjudice » (soulignement ajouté).
La Cour de cassation précise : il résulte des constatations et appréciations de la Cour d’appel qu’avant cette décision la CNAM n’était pas en mesure de déterminer si les faits dont elle avait connaissance « étaient de nature à manifester l’existence d’un comportement fautif » (soulignement ajouté).
L’existence d’un comportement fautif n’avait pu être établie, en l’occurrence et comme dans bien des actions indemnitaires consécutives à des décisions de sanction de l’Autorité de la concurrence, qu’en rapportant ces faits dont la CNAM avait connaissance aux « autres éléments matériels issus de l’instruction » menée par l’Autorité de la concurrence, puis en les examinant « dans leur globalité et à la lumière d’une analyse concurrentielle ».
Autrement dit : le délai de prescription quinquennal de l’article 2224 du Code civil ne court qu’à compter de la date à laquelle la victime a connaissance d’un dommage rattachable à un comportement fautif (i.e. un dommage réparable). De simples soupçons ne suffisent pas. En matière d’actions en réparation du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle, la spécificité de la faute civile et sa délicate caractérisation expliquent que ce délai ne court habituellement qu’à compter de la décision de sanction.
La connaissance d’une pratique qui serait « susceptible » d’enfreindre le droit de la concurrence n’est pas suffisante pour permettre à la victime d’agir utilement et donc pour faire courir le délai de prescription de son action. Il faut encore que la pratique anticoncurrentielle soit établie, dans ses éléments factuels et juridiques, conférant à la victime une connaissance « utile » des faits lui permettant d’agir en justice.
Dans cette affaire, la défense de la CNAM était assurée en première instance et en appel par Joffe & Associés (Olivier Cavézian, Tehani Goy et Fanny Callède) et devant la Cour de cassation par la SCP Foussard-Frogier (Régis Frogier).