CJUE 3 février 2021 Federazione Italiana Giuoco Calcio (FIGC), aff. C-155/19 et C-156/19
NEWSLETTER à télécharger ici – Par Mathieu GAUDEMET & Romain SOIRON
Dans une décision remarquée du 3 février dernier, la CJUE a pour la première fois fait application à une fédération sportive nationale de sa jurisprudence classique sur les « organismes de droit », dont les critères d’identification figurent à l’article 2 de la directive 2014/24 du 26 février sur la passation des marchés publics.
Les trois conditions cumulatives permettant de qualifier une personne morale de droit privé d’« organisme de droit public » au sens de la règlementation Marchés Publics de l’Union sont connus : avoir été créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel et commercial ; disposer de la personnalité morale ; être soumis à l’influence dominante d’un pouvoir adjudicateur (contrôle organique, financement…).
En l’espèce et aux termes d’une analyse du cas de la fédération italienne de football, qui semble toutefois largement transposable au modèle français, la Cour et son Avocat Général considèrent que :
- si l’activité d’intérêt général que constitue le sport est mis en œuvre par une fédération sportive dans le cadre de missions de service public qui lui sont expressément attribuées par la règlementation nationale ;
- alors, ladite fédération peut être considérée comme créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général, nonobstant sa forme sociale associative et le fait qu’en parallèle, elle assure d’importantes activités commerciales.
Par ailleurs, la Cour considère que, si l’édiction des règles générales en matière sportive, la vérification de leur bonne application et une intervention au stade de l’organisation des compétitions et de la préparation olympique sont certes confiées au Comité national olympique italien, sans toutefois que celui-ci dispose de la faculté de règlementer l’organisation et la pratique quotidienne de la discipline, ces éléments ne sont pas de nature à déterminer un pouvoir hiérarchique du Comité sur la fédération.
Cette présomption n’est toutefois pas irréfragable et l’appréciation d’un tel pouvoir de contrôle implique une analyse in concreto de chaque situation d’espèce.
Rapporté au mode de fonctionnement français, notamment dicté par les dispositions du Code du sport, cette décision implique de considérer que les activités d’intérêt général ou de service public confiées à nos fédérations sportives nationales sont susceptibles de les qualifier elles-aussi d’organismes de droit public, dont la passation des marchés de travaux, de services et de fourniture serait alors règlementée (par application cette fois du Code de la commande publique), pourvu qu’il soit toutefois possible de démontrer que le Ministère ou une autre tutelle publique exerce sur elles une influence dominante (organique, financière ou autre).
Vigilance donc sur le mode de passation de ces marchés et nécessité sans doute d’une analyse casuistique de la situation de chacun.